Mikel Azurmendi : Non, non, ils semblent peut-être parfaits dans mon livre, comme de l'or qui brille. Mais pendant 50 ans de ma vie, je n'ai fait que regarder ce qui était mauvais dans l'Église. Y a-t-il beaucoup de gens qui regardent ce qu'il y a de bon dans l'Église ? Alors je suis allé voir ce qu'il y avait de bon parce que le mauvais, tu le connais et je le connais… Tu parles de choses « hors du commun ». En effet, l'accueil des enfants d'autrui n'est pas une chose banale, et j'ai vu qu'ils accueillent même des enfants malades, très handicapés, venus d'Afrique ou d'ailleurs avec des carences physiques et mentales. Pour moi c'était de la folie.
Un ami à moi a reçu chez lui récemment deux jeunes, dont l'un avait besoin d'un logement pour faire ses études. Recevoir des jeunes inconnus, ça n'entre pas dans mes habitudes et pas non plus dans les habitudes de notre société. J'ai connu aussi un prêtre professeur d'Université qui, pendant la pandémie, s'est présenté comme volontaire dans un hôpital où les gens mouraient par centaines et où lui-même risquait la maladie. J'ai vu des jeunes qui allaient tous les vendredis soir, au lieu d'aller danser comme on le fait à leur âge, apporter à manger dans le quartier le plus marginal de Madrid, le plus inhumain, où ne vivent que des drogués, des gitans, des dealers. C'est déjà hors du commun, mais le faire pendant 24 ans consécutifs, c'est incroyable, mais cela se fait à Madrid, à Barcelone, et maintenant aussi Milan, en Italie.
Dans mon livre, il y a d'autres exemples de ce genre. C'est vrai, l'Église est humaine, elle a toujours été composée de gens bons et mauvais, comme partout. Certains jours on est bon, d'autres on est mauvais ; les dirigeants de l'Église ne sont pas toujours les meilleurs. Je vous ai dit que pendant cinquante ans je ne pratiquais plus, je m'étais éloigné de l'Église, en pratique j'étais athée même si je n'étais pas tout à fait matérialiste. Et jamais je n'ai regardé ce qui se faisait de bon dans l'Église. A l'université, j'étais professeur d'éthique et d'histoire comparée des religions. Eh bien jamais, jamais pendant plus de 20 ans où j'étais professeur à la chaire d'histoire comparée des religions à l'Université basque de San Sébastian, je n'ai parlé du christianisme. Je parlais de l'Église ou de Luther, mais sur le christianisme, silence complet, sauf pour des commentaires critiques.
Quand je me suis retrouvé à l'hôpital, j'ai changé, j'ai abandonné l'approche théorique pour une quête pratique, en ouvrant bien les yeux autour de moi. Mon attention a changé, je me suis disposé à être surpris, et par hasard j'ai rencontré des gens différents, très différents de moi ; par exemple, dans certaines maisons de CL, le désordre ne me plaisait pas du tout, d'autres choses non plus, mais il y avait des enfants accueillis, une chose que moi je n'avais jamais faite. J'ai vu que leur style de vie me surprenait, que c'était quelque chose de vraiment humain. J'ai rencontré une vie vraiment différente.