La nouvelle plateforme culturelle en ligne "É-née", qui rejoint des amis éparpillés dans le monde francophone : de l'Afrique au Canada, de la Suisse à la Belgique et à la France, naturellement est un instrument né au temps de la distanciation sociale d'un coup de fil avec une amie de Toulon, Marie-Agnès. À cette occasion, après nous être raconté comment nous vivions la quarantaine, elle me parle de la visite, quelques semaines auparavant, d'une église près de Paris où, sous la direction de l'artiste Marie-Michèle Poncet, un groupe de plus de 100 volontaires avait contribué à créer de magnifiques vitraux. Puis Marie-Agnès me demande comment vont mes amis en Syrie et je lui propose de le leur demander directement en contactant en ligne le père Bahjat Karabach, franciscain de Damas. Et elle de me répliquer : « J'invite aussi mes amis car les quatre murs de la maison ne peuvent être l'horizon de notre vie ».
C'est ainsi qu'est née cette aventure que nous avons voulu nommer comme Énée, le personnage de la littérature classique : le héros qui laisse derrière lui la ville de Troie, détruite par les flammes, en portant son père sur ses épaules et en prenant son fils par la main pour fonder une nouvelle civilisation. Carrón ne cesse de nous rappeler ce que le pape François répète souvent : nous vivons un changement d'époque. Nous ne savons pas comment sera celle qui commence, mais nous voulons y entrer en apportant avec nous la tradition que nous ont transmise nos pères.
Nous étions plus de 80 à la rencontre avec le père Bahjat et nous avons compris que, bien que confinés à la maison, notre désir de nous ouvrir au monde était partagé par de nombreuses personnes. C'est ainsi que nous avons proposé un deuxième rendez-vous, cette fois-ci avec Marie-Michèle Poncet qui nous a raconté l'histoire des vitraux de Vincennes. La troisième rencontre a eu comme hôte Mireille et Victorien Yoga qui nous ont parlé du Centre social Edimar à Yaoundé au Cameroun. Pour faciliter l'organisation nous avons créé
une page Facebook où il est possible de revoir les rencontres.
A la fin de la rencontre avec Mireille, ma sœur qui vit en Belgique m'a écrit : « Je suis bouleversée par ce que j'ai entendu. Comment fait-on pour être comme ça ? » Peut-être que le Seigneur nous a poussés à reconnaître ce besoin de ne pas nous renfermer sur nous-mêmes pendant la pandémie, uniquement pour que ma soeur puisse se demander : « Seigneur, où habites-tu ? ».
À la Journée de début d'année de 2015, le père Julian Carrón disait : « L'homme d'aujourd'hui attend, peut-être de manière inconsciente, l'expérience de la rencontre avec des personnes pour lesquelles le fait du Christ est une réalité tellement présente que leur vie en est transformée ». Ce temps de pandémie n'est pas une exception. Je dirais même qu'il accentue cette attente.
La pandémie semblait un temps fait pour s'enfermer à la maison mais elle s'est révélée être une occasion pour abattre les frontières et retrouver des amis éloignés.
Jean-François Thiry